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INTERVIEW - Frédéric Lowe - Un jour, vous verrez… Un ouvrage inspirant pour repenser les défis contemporains

INTERVIEW - Frédéric Lowe - Un jour, vous verrez… Un ouvrage inspirant pour repenser les défis contemporains

Frédéric, pouvez-vous nous parler du moment décisif dans votre vie qui vous a poussé à écrire ce manifeste avec Danielle Lagarde ?

C’est Danielle qui est à l’initiative de cet ouvrage. Elle me proposa de le co-écrire en 2021, alors que nous suivions une formation en coaching à l’école de HEC. Elle me dit qu’elle avait toujours voulu partager son histoire de vie afin de montrer aux personnes victimes des déterminismes sociaux que le fatalisme n’a pas sa place et que, elles aussi, pourraient être capables d’atteindre leurs idéaux dès lors qu’elles croiraient en elles.

Son intention a résonné en moi car cela m’a ramené à mon année de terminale, en 2002, lorsque des camarades de classe me dirent que je ne pourrais pas aller en classe préparatoire parce que j’étais « Noir » et que je venais de Sarcelles. Je me souviens encore comment il me fallut lutter contre le doute pour déjouer leurs sombres pronostics, aussi je vis dans la proposition de Danielle un moyen de montrer aux personnes confrontées à des problématiques similaires comment je m’y étais pris pour aller de l’avant.

Comment vos parcours respectifs ont-ils influencé votre prise de conscience des enjeux environnementaux et sociaux abordés dans 'Un jour, vous verrez…' ?

Ce qui est intéressant, c’est que Danielle et moi avons pris conscience de ces enjeux à des périodes de notre vie complètement différentes. Comme elle le dit dans le livre, la prise de conscience fut tardive dans son cas. C’est à 54 ans, en 2014, qu’elle réalisa effectivement l’importance de préserver l’environnement lors de la présentation du fonds de dotation Explore, un incubateur qui soutient des projets à impact positif développés par de jeunes ingénieurs. Depuis, elle soutient la fondation et pilotent également les questions liées à la RSE dans les Conseils d’administration de sociétés cotées.

Dans mon cas, la prise de conscience eût lieu beaucoup plus tôt, en 2007 lors du premier Grenelle de l’Environnement. J’avais 22 ans et j’étais alors en dernière année d’école d’ingénieur. J’entendis parler pour la première du changement climatique et je ne saurais dire pourquoi, mais je me sentis appelé par cette cause. Quelque chose en moi me dit qu’il fallait agir, aussi je me lançai dans la création d’un cabinet de conseil en stratégie climat avec deux amis dès l’obtention de mon diplôme fin 2008. Cela fait maintenant 16 ans que je travaille dans la durabilité des entreprises.

Danielle et moi partageons la conviction que les enjeux environnementaux et sociaux sont indissociables et qu’on ne les résoudra pas sans une remise en cause profonde des valeurs qui animent notre société, notamment la croyance néolibérale qu’il faut indéfiniment accumuler du profit et faire une croissance à deux chiffres.

Pourriez-vous partager un exemple concret de la manière dont vos expériences personnelles ont façonné vos propositions pour une société plus humaniste et en harmonie avec son environnement ?

Nous sommes très au fait de la machine néolibérale car Danielle a siégé dans un Conseil d’administration devant rendre des comptes à ses actionnaires investisseurs, et moi je travaille en tant qu’expert ESG dans une société de gestion d’actifs investissant sur les marchés financiers publics et privés. Nous sommes donc en première ligne pour observer la manière dont les dogmes de la croissance et de l’accumulation de profits animent frénétiquement le monde économique.

Ce que nous disons dans le livre, c’est que nous avons collectivement oublié que l’économie et toutes les théories néolibérales qui la soutiennent ne sont pas des lois naturelles. On a oublié que la finance n’est pas une science exacte. Autrement dit, nous avons oublié que ce système présenté comme immuable n’est qu’une construction sociale. L’argent et la dette n’ont de réalité que si on est suffisamment nombreux à y croire, mais nous avons oublié cela.

Sans dire qu’il faudrait mettre à mort le système capitaliste, nous proposons plutôt de réformer les théories qui l’animent en commençant par rappeler qu’il ne s’agit que de règles du jeu. Changeons tout simplement les règles du jeu pour éviter de foncer dans le mur. Comptons ce qui a de la valeur pour notre paix et notre bien-être, et cessons de compter ce qui ne compte pas. Questionnons l’utilité de ce que nous appelons la finance toxique, qui ne finance pas l’économie réelle et ne sert à rien d’autres qu’à entretenir la spéculation. Mettons en place un système qui permette à tout être humain de mener une existence digne.

Pourquoi avez-vous choisi de collaborer avec Keyopi Éditions pour la publication de ce manifeste ? Qu’est-ce qui distingue cette maison d’édition à vos yeux ?

Keyopi Editions est une jeune maison dont la mission est de publier de nouvelles idées pour créer un nouveau monde. C’était important pour nous de travailler avec un éditeur qui partagent nos valeurs, aussi cette collaboration intimiste s’est faite naturellement au regard des nombreuses idées positives que Danielle et moi promouvons dans Un jour, vous verrez…

Parmi les trois grands domaines d'action que vous mettez en avant (l’économie, la finance et l’éducation), lequel vous semble le plus urgent à réformer et pourquoi ?

Sans hésiter, la finance. Et plus particulièrement la finance de marché qui correspond aux investissements faits dans des titres cotés. Comme je l’ai dit précédemment, il ne s’agit là que de pure spéculation et d’opportunisme, ce qui donne lieu à des pratiques complètement hors sol telles que le trading haute fréquence ou la vente à découvert. Demain, la gestion sera complètement robotisée pour accélérer davantage l’accumulation de profits. Cet appât du gain à court-terme occulte complètement les enjeux de durabilité et propulse frénétiquement la société vers l’avant comme un hamster dans une roue. Il est urgent de nous questionner quant à son utilité sociétale.

A contrario, Danielle et moi promouvons une finance plus humaine et entrepreneuriale, connectée au réel et s’inscrivant dans le temps long. C’est ce qu’on appelle le private equity et la dette privée, et cette finance à laquelle je contribue au quotidien dans mon travail a un pouvoir transformatif certain lorsqu’on est un investisseur responsable. Longtemps réservée à une clientèle institutionnelle ou fortunée, cette finance va bientôt devenir accessible aux particuliers ce qui est une bonne nouvelle.

En quoi espérez-vous que 'Un jour, vous verrez…' inspire un sursaut collectif, et quels seraient les premiers signes tangibles de ce changement selon vous ?

Il faut se le dire, on ne vit pas une époque facile et on peut facilement être accablé par le désarroi tant les défis individuels et collectifs faisant face peuvent paraître insurmontables. Cependant, à partir de regards croisés sur nos vies respectives, Danielle et moi avons réussi à dégager une trame très simple pour expliciter comment nous nous y sommes pris pour relever nos défis lorsqu’ils se présentèrent sur notre chemin. Le lecteur peut se l’approprier très facilement et l’utiliser dans l’instant pour résoudre une problématique personnelle.

Notre tour de force est que nous avons réussi à transposer cette trame à l’échelle collective pour proposer un itinéraire de sortie de l’ornière. Ainsi, le lecteur qui en constatera l’efficacité pour lui-même sera plus prompt à envisager de l’utiliser pour contribuer à la résolution des enjeux de durabilité comme nous le suggérons à la fin du livre. Ensuite nous parions sur l’effet boule de neige !

Danielle et moi insistons beaucoup sur le fait que le fatalisme n’a pas sa place, et nous avons pris le plus grand soin pour que cet ouvrage soit illustré et agréable à lire afin que les lecteurs puissent facilement s’identifier à nous et se sentir inspirés par nos histoires de vie.
Pour ma part, je me dirai qu’on aura réussi à faire bouger les lignes lorsque la croyance en l’immuabilité des théories néolibérales sera ouvertement questionnée dans les médias mainstream.

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