Bonjour David, pourriez-vous nous parler de votre parcours et de votre entreprise DG Conseil en lien avec les explorations littéraires et la révélation des tabous sociaux ?
Mon parcours est d’abord celui de l’audit interne et du conseil, dans des environnements complexes où l’on demande à la fois de la rigueur, de la lucidité et une grande finesse relationnelle. Très tôt, je me suis intéressé à ce qui ne se dit pas : les non-dits organisationnels, les zones de tension, les mécanismes de défense, les récits officiels qui masquent parfois des réalités plus sensibles.
C’est ce fil conducteur qui a donné naissance à DG Conseil. L’entreprise accompagne des organisations et des individus sur les questions d’audit, de gouvernance et de communication, en plaçant l’humain au centre : compréhension des comportements, neurosciences, lecture fine des interactions, travail sur la posture. L’enjeu n’est pas seulement de produire des constats, mais de rendre visibles les dynamiques sous-jacentes et d’ouvrir des espaces de dialogue là où il y a souvent de l’évitement.
Mes explorations littéraires s’inscrivent dans la même logique. Elles me permettent d’aborder, par la fiction, des tabous sociaux, intimes ou collectifs : la filiation, la violence symbolique, la mémoire, la honte, le pouvoir, les silences transmis. La littérature devient alors un autre terrain d’enquête, plus sensible, où ce qui est indicible dans l’entreprise ou la société peut être approché autrement.
Au fond, que ce soit en audit, en formation ou en écriture, mon travail vise à faire émerger ce qui est enfoui, à mettre des mots là où il n’y en a pas encore, et à créer les conditions d’une transformation lucide, individuelle ou collective.
En tant que consultant et formateur, comment abordez-vous l'idée de briser les tabous sociaux à travers la littérature dans vos formations et vos workshops ?
Je n’aborde jamais les tabous de front, ni de manière militante ou provocatrice. Mon approche consiste plutôt à créer des espaces sécurisés où les participants peuvent observer, ressentir et réfléchir sans être sommés de se dévoiler. La littérature est un outil extrêmement puissant pour cela, car elle permet une mise à distance : on parle d’un personnage, d’une situation fictive, d’un récit — et pourtant, chacun s’y reconnaît.
Dans mes formations et workshops, les textes servent de révélateurs. Ils permettent de mettre en mouvement des questions que les outils classiques n’atteignent pas : le rapport au pouvoir, à la transgression, à l’autorité, à l’intime, à la loyauté ou à la peur du jugement. Briser un tabou, ce n’est pas l’exposer brutalement, c’est lui redonner un langage, une structure, une lisibilité. La littérature offre cette possibilité : elle autorise la complexité, l’ambivalence et le doute, là où les discours professionnels cherchent souvent des réponses simples. C’est précisément dans cet espace-là que se produisent les prises de conscience les plus durables.
Pouvez-vous nous donner un exemple concret d'un tabou social que vous avez exploré dans vos projets, et comment cela a-t-il été reçu par votre public ?
Celui de l'homosexualité féminine. Les retours sont majoritairement positifs. Je n'ai pas eu de remarque négative directe.
Quelles sont, selon vous, les principales difficultés rencontrées par les entreprises lorsqu'elles s'engagent dans des discussions sur les tabous sociaux ?
La première difficulté est la peur des conséquences : peur juridique, peur réputationnelle, peur de perdre le contrôle. Beaucoup d’organisations craignent qu’ouvrir ces sujets fasse plus de dégâts que de bénéfices.
La deuxième difficulté est l’absence de méthode. Les tabous sont souvent abordés de manière émotionnelle, moralisatrice ou défensive, ce qui renforce les blocages au lieu de les lever.
Enfin, il y a une confusion fréquente entre parler d’un tabou et prendre position idéologiquement. Or, il est possible – et nécessaire – d’aborder ces sujets avec rigueur, neutralité et intelligence collective. C’est précisément là que mon travail s’inscrit : apporter des cadres, des outils et une posture qui permettent d’aborder l’indicible sans violence, ni déni, ni simplification.
Comment percevez-vous l'évolution de l'intérêt pour les thématiques littéraires portant sur les tabous sociaux dans le monde professionnel ces dernières années ?
Ces dernières années, je perçois une évolution nette et progressive de l’intérêt du monde professionnel pour les thématiques littéraires liées aux tabous sociaux, mais cette évolution reste ambivalente.
D’un côté, les organisations prennent conscience que certains sujets longtemps évités — la vulnérabilité, la peur de l’échec, la violence symbolique, les rapports de domination, la solitude, la honte, la mort, le désir, la transgression — structurent en profondeur les comportements individuels et collectifs. Les crises successives, la montée des risques psychosociaux, les enjeux de sens au travail et l’exigence d’authenticité ont rendu ces angles morts plus visibles. La littérature apparaît alors comme un espace légitime pour les approcher sans passer immédiatement par le discours normatif ou managérial.
De l’autre côté, cette ouverture reste prudente. L’intérêt pour les tabous est souvent formulé en termes « acceptables » : qualité de vie au travail, soft skills, intelligence émotionnelle, inclusion. La littérature, lorsqu’elle est convoquée, est parfois attendue comme un outil illustratif ou apaisant, alors que sa force réelle réside dans sa capacité à déranger, à mettre en tension, à révéler ce qui ne se dit pas. Il y a donc un décalage entre l’attrait affiché pour ces thématiques et la difficulté à en assumer pleinement la portée.
Ce qui change toutefois, c’est le regard porté sur la littérature elle-même. Elle n’est plus seulement vue comme une activité culturelle périphérique, mais comme un dispositif d’exploration : un moyen de travailler sur l’ambiguïté, la complexité humaine, les zones grises. Dans certains environnements professionnels, on accepte désormais qu’un texte, une narration ou un personnage fictif puisse servir de miroir plus juste que de nombreux outils analytiques.
En résumé, l’intérêt pour les tabous sociaux dans le monde professionnel progresse, mais il évolue par paliers. Il avance à mesure que les organisations acceptent l’idée que la performance, la gouvernance et la coopération ne se jouent pas uniquement dans les processus visibles, mais aussi dans ce qui est tu, déplacé ou refoulé. La littérature devient alors un levier crédible, à condition de lui laisser sa part d’inconfort et de vérité.
À votre avis, comment la littérature et l'exploration des tabous sociaux peuvent-elles influencer le management et la culture d'entreprise dans le futur ?
Je pense que la littérature va progressivement devenir un outil de maturité managériale, au même titre que l’analyse stratégique ou la gestion des risques. Elle apprend à vivre avec l’incertitude, à accepter les contradictions, à regarder en face ce qui dérange sans chercher immédiatement à le normaliser.
Dans le futur, les organisations qui intégreront ces approches développeront des cultures plus robustes : des cultures capables de parler du pouvoir, de l’échec, de la responsabilité, de la loyauté ou de la transgression sans faux-semblants.
Explorer les tabous sociaux par le récit, c’est entraîner les dirigeants et les équipes à penser avant de réagir, à écouter avant de décider, et à comprendre que la performance durable repose aussi sur la capacité à nommer ce qui, jusque-là, était maintenu sous silence.
Enfin, quel message aimeriez-vous transmettre à nos lecteurs concernant l'importance de la littérature dans la compréhension et la révélation des tabous sociaux ?
Je dirais que la littérature ne donne pas des réponses, mais qu’elle pose les bonnes questions, souvent celles que l’on évite. Elle met en récit ce que les sociétés, les groupes ou les individus préfèrent taire, non pour choquer, mais pour rendre visible.
Dans un monde professionnel obsédé par l’efficacité, la littérature est un espace de décélération nécessaire. Elle nous rappelle que comprendre l’humain demande du temps, de l’écoute et parfois le courage d’affronter ce qui dérange. C’est précisément là que réside sa valeur.
Pour en savoir plus : https://dg-conseil.com