Chloé, comment avez-vous eu l'idée de transformer vos expériences accumulées durant le podcast ‘Nouveau Modèle’ en un roman sur le gaspillage textile, et qu'espérez-vous atteindre par ce changement de format ?
L’envie d’écrire un roman a toujours été présente, et un jour, alors que j’interviewais l’actrice Lucie Lucas sur ses engagements écologiques, elle m’a dit une phrase qui a ravivé cette envie : « j’utilise la fiction pour faire passer des messages engagés ». Ça a été le déclic qu’il me fallait pour me lancer dans l’écriture de ce livre. Et puis, après 5 ans à animer mon podcast Nouveau Modèle, je me suis un peu essoufflée, j’avais l’impression de parler aux mêmes personnes et de parler des mêmes sujets, de ne plus avancer. Avec un roman, avec de la fiction, on touche peut-être (je l’espère) un autre public, et les messages sont moins moralisateurs quand ils font partie d’une histoire et qu’ils sont transmis à travers des personnages fictifs. En tout cas, j’espère élargir l’audience du podcast grâce au roman.
Le choix du Ghana comme cadre principal de votre roman est audacieux et unique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce pays en particulier, et comment cela a pu influencer votre récit ?
J’ai choisi ce pays car j’ai eu l’opportunité d’échanger longuement avec une association « The Or Foundation » qui, sur place, lutte contre le gaspillage textile occidental et ses conséquences. D’ailleurs, je m’en suis largement inspirée pour décrire les missions de l’association du roman. Le marché de Kantamanto à Accra est l’un des plus grands marchés de vêtements de seconde main du monde, je l’ai choisi comme symbole pour illustrer cette problématique qui touche d’autres pays (des vêtements sont aussi envoyés en Amérique latine par exemple).
Votre livre, Tissus d’Espoir, enquête sur l'industrie textile et sa surproduction. Pouvez-vous partager avec nous quelques faits ou événements réels qui ont profondément marqué votre écriture ?
La découverte de la problématique que j’évoque dans mon livre (ces vêtements donnés qui terminent leur vie dans des décharges à ciel ouvert et qui posent des problématiques humaines pour les femmes transportant ces balles de vêtements) m’a profondément marquée parce que je ne soupçonnais pas que cela pouvait exister.
J’ai également été profondément touchée par le documentaire « Made in Bangladesh » sur la création d’un syndicat de femmes ouvrières du textile et qui montre la force de la sororité.
Les accidents dans les usines (comme l’effondrement du Rana Plaza en 2013 ou d’autres bien plus récents) ont aussi motivé l’écriture de ce roman.
La sororité et le féminisme sont centraux dans votre ouvrage. Comment espérez-vous que ces thèmes influenceront la perception et l'action de vos lecteurs envers la mode éthique ?
Les droits des femmes sont cruciaux dans l’industrie textile et j’espère qu’en lisant des histoires qui racontent les vies de ces femmes, les lecteurs et lectrices pourront s’identifier et humaniser les vêtements qu’ils achètent et donnent. Les histoires permettent de toucher notre sensibilité et ainsi notre humanité.
Comment avez-vous intégré votre formation à l'école ‘Les Mots’ dans votre écriture de fiction, et en quoi cela a-t-il différencié votre approche par rapport à votre travail journalistique ?
Cette formation a été essentielle pour moi car écrire un article et écrire un roman sont deux choses complètement différentes. J’avais besoin d’avoir quelques clés pour savoir comment construire une histoire, comment décrire des personnages, m’éloigner du réel, du factuel pour me tourner vers les émotions. J’ai donc suivi plusieurs ateliers à l’école avant de débuter l’écriture du roman, c’était comme repartir de zéro, réapprendre à écrire autrement qu’avec un ton journalistique. Le métier de journaliste ce n’est pas de bien raconter des histoires mais de faire comprendre des faits réels. Pour écrire ce roman je me suis sentie beaucoup plus libre.
Dans le cadre de votre roman, que signifie pour vous l'idée de ‘dignité retrouvée’ grâce à la sororité, et comment souhaitez-vous que ce concept résonne chez vos lecteurs ?
La « dignité retrouvée » c’est retrouver l’amour propre, la confiance en soi que beaucoup de femmes perdent au cours de leur vie à cause de toutes les violences engendrées par notre société patriarcale. La sororité permet aux femmes de se sentir écoutées, accompagnées, soutenues, ce qui est indispensable pour retrouver l’estime de soi. Avec la création du syndicat je souhaitais montrer que le collectif pouvait donner de cette force aux femmes.
Alors que vous travaillez sur votre deuxième roman, quelles leçons tirez-vous de l'écriture de Tissus d’Espoir, et en quoi cela influence-t-il votre nouvel ouvrage ?
Je sais désormais que la discipline est essentielle pour moi, comme me fixer un nombre minimum de mots à écrire chaque jour. Je sais aussi qu’écrire ça s’apprend, je ne crois pas au talent inné pour devenir écrivain, je pense surtout qu’il faut travailler, écrire et lire pour y parvenir. Pour écrire ce deuxième roman, je me suis à nouveau rapprochée de l’école Les Mots, mais cette fois je suis accompagnée pendant un an par un écrivain et par des membres de l’école qui me font régulièrement des critiques sur ce que j’écris. J’ai aussi appris que la relecture et la réécriture sont indispensables et nécessitent encore une fois beaucoup de travail (ce que je ne soupçonnais pas avant d’écrire Tissus d’espoir).
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